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Une vie à crédit

Argent au quotidienDurabilité

14.02.2025, par Marie-Laure Chapatte, responsable RSE

Infernale, la spirale du surendettement n’est pas sans issue. La détresse financière est l’affaire de toutes et tous, des autorités, des institutions sociales et des banques. 

Repas de famille ou entre amis. On parle peut-être de la dernière victoire du LHC face à un adversaire coriace, du film que certains ont déjà visionné au cinéma, des soucis qu’on rencontre au travail ou d’une naissance imminente chez des proches. Mais qui a déjà entendu ce type de conversation: «Je n’ai pas réussi à payer mes impôts en décembre. Je n’ai d’ailleurs aucune idée comment je vais faire, mon lave-vaisselle est en panne et j’ai déjà du retard pour payer ma dernière prime de caisse-maladie. Vous aussi, vous avez des dettes?». 

Question saugrenue, me direz-vous. En effet, parler d’argent en positif parait déjà fort compliqué dans notre communauté, alors évoquer ses soucis financiers est aussi rare que l’observation en Suisse d’un pluvier guignard, un petit échassier migrant aux sourcils blancs. 

Pourtant, la détresse financière et les dettes liées peuvent toucher tous les niveaux de la population. Problème social peu évoqué, souvent sous-estimé, le surendettement qualifie une situation où la personne ne maîtrise plus l’augmentation de sa dette. Il apparaît lorsque «la part du revenu disponible après la couverture du minimum vital ne permet pas de remplir les obligations financières dans un délai raisonnable», selon la définition de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS). 

Pour être très concret, dans le canton de Neuchâtel, selon l’Institut CRIF, 9,3% de la population a un dossier ouvert à l’office des poursuites. Cette problématique est plus marquée sur Neuchâtel et en Suisse romande que dans le reste du pays, puisque la moyenne suisse s’élève 5,6% selon les derniers chiffres disponibles de janvier 2024. 

Accidents de vie et pauvreté 

Alors, si des personnes relativement aisées peuvent entrer dans cette spirale infernale des dettes, la pauvreté reste, sans surprise, le principal facteur de risque de surendettement. Souvent, des accidents de vie, comme on les appelle, tels que des ennuis de santé, un divorce ou le chômage, péjorent la situation financière et conduisent à l’accumulation des dettes. Parfois, une gestion téméraire des deniers est également en cause. Chez les jeunes de moins de 30 ans, le départ de chez leurs parents peut les fragiliser. Les travailleurs pauvres, les familles monoparentales ou les personnes souffrant d’addictions constituent également des populations particulièrement touchées. 

Cette spirale de l’endettement provoque une désintégration sociale et professionnelle et entraîne des problèmes de santé ou psychosociaux. En d’autres termes, plus économiques, ces situations de surendettement se répercutent in fine sur les collectivités publiques. 

Ainsi, plusieurs cantons ont décidé d’agir et de légiférer contre ce fléau. C’est par exemple le cas de Neuchâtel, qui a vu sa loi entrer en vigueur en 2021, et Genève, en 2024. Les deux cantons ont ainsi un dispositif complet de prévention et de lutte contre le surendettement. En effet, afin de mener un travail concerté, tous deux réunissent des représentantes et représentants des services de l’Etat, mais également des acteurs privés au sein d’une plateforme dédiée. 

A Neuchâtel, c’est même le deuxième Plan d’action cantonal (2025-2028) en la matière qui devrait bientôt être adopté. Au menu: la prévention, la détection précoce et l’assainissement financier. 

Des montants élevés rapidement 

Car une fois l’engrenage enclenché, les dettes s’accumulent à vitesse grand V. Selon les dernières statistiques de Dettes Conseils Suisse (DCS, 2023), l’endettement moyen s’élève déjà à près de 46'000 francs après 3 à 5 ans. 

Alors, quel rôle jouent les banques dans cette problématique? Sont-elles plutôt le déclencheur ou le pompier du surendettement? Si la majorité des banques proposent encore des petits crédits aux particuliers, elles n’en font plus guère la promotion. Les impôts impayés représentent 28% de l’ensemble des dettes sur l’année 2023, selon les statistiques de DCS. Viennent ensuite le paiement des primes d’assurances maladies (15%) – dont la proportion ne cesse d’augmenter ces dernières années - puis les crédits en espèces (14%). 

Ces derniers sont régis par la Loi sur le crédit à la consommation, qui oblige le prêteur à évaluer la capacité du demandeur à contracter un crédit. La banque mesurera la solvabilité de la personne en mettant d’un côté les charges (impôts, loyers, déplacements, véhicules, repas, crèche, etc.) et de l’autre les revenus et les engagements déjà en cours (autre leasing, cartes de crédit, etc.). Les calculs sont établis sur la base d’un amortissement du crédit sur 36 mois. 

Dialoguer pour agir précocement 

Dans une approche de responsabilité sociétale d’entreprise, les banques cantonales ont plutôt une approche conservatrice sur ces critères afin d’éviter une situation problématique. Elles apportent des conseils avertis à la clientèle et travaillent également en amont afin que chacune et chacun, une fois arrivé à l’âge adulte, maîtrise son budget dans sa globalité. Cette sensibilisation préventive s’opère par exemple via le programme Finance Mission, destiné aux enfants, ou le site jeunesetbudget.ch, pour les adolescents et leurs parents. L’association faitière Budget-Conseil Suisse est également soutenue par les banques cantonales. 

A Neuchâtel, la Banque Cantonale Neuchâteloise participe à la plateforme cantonale et collabore également avec les autorités pour trouver les meilleures pistes dans la détection précoce des cas problématiques. Ce travail en réseau est absolument nécessaire afin que le maillage soit le plus fin possible et pour soulager les organisations, telles que Caritas ou le Centre social protestant, qui accompagnent les personnes endettées à reprendre les rênes de leurs finances. 

La proximité d’une conseillère ou d’un conseiller banquier, confronté régulièrement à ces problématiques, qui met sa sensibilité au service de sa clientèle, constitue également une porte d’entrée intéressante à tout à chacun qui commence à se sentir «couler». Pour éviter la spirale, il faut en parler. A un proche, à son employeur, à un centre spécialisé ou à son banquier. 

Comment s’en sortir? 

  • Oser en parler et demander de l’aide rapidement. Il existe dans tous les cantons des services de conseil en désendettement: https://dettes.ch/, https://caritas-regio.ch/fr, https://csp.ch/. 
  • Demander à ses créanciers un paiement échelonné, selon un budget permettant d’assainir ses dettes dans les trois ans. 
  • Déposer une requête auprès du tribunal compétent de son domicile pour trouver une solution avec ses créanciers. 
  • Se déclarer insolvable et demander une mise en faillite personnelle.

Une version de cette article est parue dans Générations.