La BCN Actualites et medias Actualités En cas de décès, que restera-t-il pour votre douce moitié?

En cas de décès, que restera-t-il pour votre douce moitié?

Investissement

22.12.2021, par Nicolas Schwaar, conseiller Private Banking

La Suisse connaît trois types de régimes matrimoniaux: la communauté des biens, la séparation des biens et le plus courant, la participation aux acquêts. Dans ce dernier régime et en cas de décès, il y a lieu, dans une première étape, de liquider le régime matrimonial: le survivant a droit à 50% de l’ensemble des biens acquis durant le mariage (acquêts) et conserve ses biens propres.

Par biens propres, on entend les biens acquis avant le mariage et ceux reçus par héritages ou donations. Dans une seconde étape, les biens propres du défunt et le solde des acquêts (50%) tombent dans la masse successorale qui sera partagée à parts égales entre le conjoint survivant et les descendants.

Illustrons ce régime par un couple marié avec enfants. Les biens propres acquis avant le mariage se montent à 50'000 francs pour l’époux et 80'000 francs pour l’épouse. Le montant des acquêts accumulés durant le mariage se chiffre à 300'000 francs. Si l’époux décède en premier, l’épouse touchera le 75% des acquêts (150'000 francs du régime matrimonial et 75'000 francs du partage successoral), recevra la moitié des biens propres du défunt (25'000 francs du partage successoral), soit un total de 250’000 francs suisses et conservera ses biens propres; les enfants toucheront 100'000 francs.

Il existe plusieurs solutions, à anticiper du vivant des conjoints, pour les protéger et éviter que le survivant ne se retrouve en difficulté financière. Nous vous en énumérons quelques-unes.

Anticiper pour mieux se protéger

Un contrat de mariage peut être établi devant le notaire et permet au conjoint survivant de recevoir la totalité des biens acquis en commun durant le mariage (300'000 francs au lieu des 225'000 francs dans notre exemple). Seuls les biens propres du défunt seront partagés entre tous les héritiers. Un contrat de mariage avec effet rétroactif est possible; il convient, cependant, de ne pas oublier d’y insérer une clause en cas de remariage.

Le partenariat enregistré fédéral n’est pas réglé par le Code civil (CC), mais par une loi fédérale. Il est réservé aux personnes de même sexe qui souhaitent faire reconnaître leur vie commune et leur statut de couple. Ce partenariat est assimilé au régime de la séparation des biens; il n’y a pas de partage en cas de décès de l’un des partenaires. Pour remédier à cela, les partenaires peuvent établir une convention sur les biens (art. 125 LPart).

Autre solution, le pacte successoral qui permet aux époux de se protéger mutuellement. En effet, avec l’accord des conjoints et des descendants, appelés également héritiers réservataires, il est possible d’exclure totalement les enfants d’une succession; ils renoncent à leurs droits jusqu’au décès du deuxième parent, mais prennent également le risque de voir la fortune fortement réduite voire totalement utilisée par le conjoint survivant.

Enfin, pour avantager le conjoint survivant, les époux peuvent également convenir d’un usufruit sur la totalité de la part dévolue aux enfants communs. Les enfants deviennent ainsi nus-propriétaires de leur part successorale, mais celle-ci est gérée par le conjoint survivant, qui par l’usufruit, bénéficie des revenus (intérêts, dividendes, rendements locatifs), mais assume aussi les charges (impôts, intérêts hypothécaires, entretien courant).

Quid si le couple n’est pas marié? 

Les relations entre concubins ne sont pas réglées par la loi. En cas de décès, ils ne sont ni reconnus au niveau du 1er pilier (AVS), ni au niveau de la LAA. Selon la LPP non plus; cependant, la majorité des instituts du 2ème pilier se sont adaptés aux nouveaux modèles familiaux et accordent des prestations de prévoyance. Attention toutefois à respecter leurs exigences, comme l’obligation d’annoncer le concubinage. 

Il est également important d’annoncer son concubinage auprès de sa prévoyance individuelle liée (pilier 3a), car la clause bénéficiaire, celle désignant les personnes choisies pour recevoir les capitaux en cas de décès, peut être adaptée au profit du concubin. 
Enfin, les concubins peuvent établir un contrat de concubinage, ainsi qu’un inventaire (qu’est-ce qui appartient à qui?) comme solutions de prévention. 

A noter également que certains cantons, comme Neuchâtel et Genève, connaissent un partenariat enregistré pour les couples hétérosexuels.

Conclure une assurance?

Pour favoriser son conjoint, son concubin ou ses descendantes, il faut déceler à temps d’éventuelles lacunes de prévoyance et prendre des décisions adaptées pour préserver son confort de vie.
A ce propos, les époux ou concubins peuvent conclure une police d’assurance-vie mixte ou une assurance risque en cas de décès. Attention toutefois à la protection de la part réservataire éventuelle qui pourrait être prise en compte dans la police d’assurance-vie 3a, selon les articles 476 et 529 du CC.

Pour tous les couples:

  • Les avoirs de libre passage n’entrent pas dans la masse successorale; faire le nécessaire pour la clause bénéficiaire ;
  • Garder en tête l’impact fiscal (domaine successoral et réception de capitaux de prévoyance);
  • Etablir un testament permet de réduire les héritiers légaux à la part réservataire tout en attribuant la quotité disponible au conjoint ou concubin survivant;
  • En cas d’accès à la propriété, prêter attention à la viabilité du couple, ainsi qu’au niveau des liquidités pour la succession.

Bon à savoir

Une modernisation du droit successoral est en cours. Les parts réservataires seront modifiées, laissant une plus grande liberté pour régler sa succession. L’entrée en vigueur des nouvelles règles légales est envisagée pour le 1er janvier 2023.

Une version de cet article est parue dans Générations.